Des tests effectués par la fondation Maif sur plusieurs voitures semi-autonomes commercialisées montrent les progrès que doivent encore réaliser les constructeurs.
Si les tests et comparaisons de voitures traditionnelles ne manquent pas; il est aujourd’hui bien plus difficile d’obtenir les mêmes informations. Et cela sur les véhicules avec des fonctions de conduite semi-autonomes que commencent à commercialiser les constructeurs. Afin d’y voir un peu plus clair, la fondation Maif, une organisation de recherche sur la prévention des risques financée par l’assureur et reconnue d’utilité publique par l’Etat, a mené ses propres tests. Avec l’aide de la société de tests automobile UTAC-CERAM; la fondation a mis à l’épreuve entre septembre 2017 et juin 2018 les capacités de freinage d’urgence et de conduite autonome de quatre véhicules : Tesla Model S, BMW Série 7, Mercedes Classe E et Volvo S90.
En attendant la publication d’un rapport complet sur le sujet en octobre; la fondation Maif a partagé en avant-première avec le JDN ses premières conclusions détaillées sur les performances de ces véhicules. Il s’agit de fonctions de délégation de conduite de niveau 2 sur 5. C’est-à-dire que le véhicule peut conduire à la place de l’humain dans certaines situations mais le conducteur doit pouvoir reprendre la main à tout moment. Précisons également que certaines performances des véhicules peuvent avoir été améliorées depuis que les tests ont été réalisés, puisque les constructeurs mettent régulièrement à jour leurs systèmes. Par ailleurs, l’intelligence artificielle derrière ces systèmes faits que les tests ne sont pas toujours reproductibles : deux tests dans des conditions parfaitement identiques peuvent donner lieu à des prises de décisions du véhicule et des résultats différents.
“Tesla a un peu d’avance sur les constructeurs européens en termes de qualité de conduite autonome”
Des paramètres différenciés
“De manière générale, Tesla a un peu d’avance sur les constructeurs européens en termes de qualité de conduite autonome.” relève Marc Rigolot, directeur de la fondation Maif. Et c’est en partie une question de choix, explique-t-il. Chaque constructeur décide de paramétrer ses systèmes de détection d’obstacles avec plus ou moins de sensibilité. Une faible sensibilité permettra une conduite plus fluide en évitant les faux positifs et les arrêts intempestifs du véhicule alors qu’il n’y a aucun danger. Inversement, un réglage plus sensible diminuera la qualité de la conduite. Mais renforcera la sécurité du véhicule en prenant le moins de risques possibles. “On peut dire que les véhicules européens testés sont plus prudents que Tesla”, conclut Marc Rigolot.
Dans le détail, les capacités de détection d’obstacles et de freinage automatique des véhicules ont été testées dans plusieurs configurations. D’abord la plus simple : celle d’une voiture arrêtée sur la voie et parfaitement alignée. Tous les véhicules arrivent à s’arrêter à temps, mais à des vitesses variables : jusqu’à 120 km/h pour Tesla, contre 60 à 80 km/h pour les autres. Des capacités à reconnaître et freiner à temps qui diminuent avec les tests suivants dans lesquels les obstacles ont été placés à cheval sur la voie du véhicule test et sur la voie de droite. La pire situation étant le test d’un véhicule obstacle placé de manière perpendiculaire à la voie, ce qui peut par exemple arriver après un accident.
De l’avance pour Tesla
A part Tesla, qui freine à temps jusqu’à un peu moins de 120 km/h, les autres voitures “n’identifient pas l’obstacle et foncent dessus comme s’il n’y avait rien, alors qu’on ne peut pas imaginer que les capteurs ne l’aient pas vu”, s’étonne Marc Rigolot. En revanche, les tests de freinage d’urgence sur des obstacles en mouvement ou en train de freiner se sont montrés plus concluants, avec de bonnes performances et peu de différences entre les véhicules.
Virages et queues de poisson
Les voitures ont aussi été testées sur leur capacité à réagir à des queues de poisson. Elles roulaient sur la voie centrale avec un autre véhicule sur la voie de droite visible de loin, qui indiquait clairement son intention de changer de voie. Puis il s’est déporté sur la gauche au dernier moment.
Elles ont globalement tendance à réagir un peu trop tard; en particulier à haute vitesse, mais la fonction de freinage automatique est tout de même bénéfique. Elle peut venir palier la perte de vigilance d’un conducteur. Autre expérimentation similaire : la voiture conduit en mode autonome avec un véhicule devant elle; il se déporte brusquement sur la gauche pour laisser découvrir à sa place une autre voiture, celle-ci à l’arrêt. Là aussi, les réflexes des systèmes laissent à désirer à grande vitesse; mais peuvent être bénéfiques, explique Marc Rigolot. “Cela permettra d’éviter les accidents graves, mais pas les impacts”.
Dernier type de tests : la capacité des voitures à gérer des virages de différents rayons en mode autonome. “Il s’agit de virages très simples à gérer pour un humain”. précise Marc Rigolot. Les véhicules sont tous capables de passer le virage le plus large (500 mètres de rayon);mais échouent tous à passer le tournant le plus serré (15 mètres) et foncent tout droit. “Puisque le virage est serré, les capteurs qui cherchent les marquages au sol pour aider le véhicule à se repérer ne trouvent plus la ligne; qui part en courbe très vite”, interprète Marc Rigolot.
“Les conducteurs peuvent se dire que s’ils peuvent lâcher le volant deux minutes, pourquoi ne pas le lâcher plus longtemps ?”
Décisions en fonction des résultats
Avec ces tests et leurs résultats, la fondation Maif souhaite appeler les conducteurs à la prudence. Il est difficile de reprendre la main à temps lorsque le véhicule ne sait plus gérer. D’abord parce que les voitures ne donnent pas toujours l’alerte assez tôt, mais aussi en raison du temps de réaction des conducteurs.
D’après une étude menée par la fondation Maif sur le sujet, ils mettent en moyenne quatre secondes à reprendre la main; et jusqu’à huit secondes pour les moins réactifs. “Les conducteurs peuvent se dire que s’ils peuvent lâcher le volant deux minutes, pourquoi ne pas le lâcher plus longtemps ?”. ajoute Marc Rigolot, qui rappelle que la conduite autonome de ces véhicules fonctionne surtout dans des environnements simples, comme des parkings ou une autoroute dégagée. “Il ne faut pas faire croire que cela va marcher partout.”
Cette étude pointe des défaillances dont certaines pourront être corrigées par l’amélioration des systèmes de conduite autonome. Une cartographie mise à jour en temps réel ainsi qu’une communication automatisée entre véhicules et avec un centre de contrôle. Elle n’en constitue pas moins un rappel utile des progrès que doivent encore réaliser les constructeurs.